-- Lisez les règles du combat, Sir Lothian.

-- Le combat aura lieu le mardi 18 mai, à dix heures du matin, dans un endroit qui sera fixé postérieurement. Le ring sera un carré de vingt pieds de côté. Ni l’un ni l'autre des combattants ne se retirera à moins d'un coup décisif reconnu pour tel par les arbitres. Ceux-ci seront au nombre de trois, ils seront choisis sur le terrain, savoir deux pour les cas ordinaires, et un pour les départager. Cela est-il conforme à vos désirs, Sir Charles?

Mon oncle acquiesça d'un signe de tête.

-- Avez-vous quelque chose à dire, Wilson?

Le jeune pugiliste, qui était d'une structure singulière dans sa maigreur efflanquée, avec une figure accidentée, osseuse, passa ses doigts dans sa chevelure coupée court.

-- Si ça vous plaît, monsieur, dit-il avec le léger zézaiement des campagnards de l'Ouest, un ring de vingt pieds de côté, c'est un peu étroit pour un homme de treize stone.

Nouveau murmure d'approbation parmi les professionnels.

-- Combien vous faudrait-il, Wilson?

-- Vingt-quatre, Sir Lothian.

-- Avez-vous quelque objection, Sir Charles?

-- Aucune.

-- Avez-vous encore quelque chose à demander, Wilson?

-- Si ça vous plaît, monsieur, je ne serais pas fâché de savoir avec qui je vais me battre.

-- À ce que je vois, vous n'avez pas encore officiellement désigné votre champion, Sir Charles.

-- J'ai l'intention de ne le faire que le matin même du combat. Je crois que le texte même de notre pari me reconnaît ce droit.

-- Certainement, vous pouvez en faire usage.

-- C'est mon intention et je serais immensément obligé envers Mr Berkeley Craven, s'il voulait bien accepter le dépôt des enjeux.

Ce gentleman s'étant empressé de donner son consentement, toutes les formalités que comportaient ces modestes tournois furent accomplies.

Et alors, ces hommes sanguins, vigoureux, étant échauffés par le vin, échangeaient des regards de colère d'un bord à l'autre des tables.

La lumière pénétrant à travers les spirales grises de la fumée du tabac éclairait les figures sauvages, anguleuses des Juifs et les faces rougies des rudes Saxons. La vieille querelle qui s'était jadis élevée pour savoir si Jackson avait commis ou non un acte déloyal en prenant Mendoza par les cheveux lors de sa lutte à Hornchurch, se ranima de nouveau.

Sam le Hollandais jeta un shilling sur la table et offrit de se battre contre la gloire de Westminster, si celui-ci osait soutenir que Mendoza avait été vaincu loyalement.

Joe Berks, qui était devenu de plus en plus bruyant et agressif à mesure que la soirée s'avançait, tenta de monter sur la table, en proférant d'horribles blasphèmes, pour en venir aux mains avec un vieux Juif nommé Yussef le batailleur, qui s'était lancé à corps perdu dans la discussion.

Il n'en eût pas fallu beaucoup plus pour que le souper se terminât par une bataille générale et acharnée et ce ne fut que grâce aux efforts de Jackson, de Belcher et d'Harrison et d'autres hommes plus froids, plus rassis, que nous n'assistâmes pas à une mêlée. Alors, cette question une fois écartée, surgit à la place celle des prétentions rivales pour les championnats de différents poids.

Des propos encolérés furent de nouveau échangés. Des défis étaient dans l'air.

Il n'y avait pas de limite précise entre les poids légers, moyens et lourds et, cependant, c'était une affaire importante, pour le classement d'un boxeur de savoir s'il serait coté comme le plus lourd des poids légers, ou le plus léger des poids lourds.

L'un se posait comme le champion de dix stone; l'autre était prêt à accepter n'importe quel match à onze stone, mais se refusait à aller jusqu'à douze, ce qui aurait eu pour résultat de le mettre aux prises avec l'invincible Jem Belcher.

Faulkner se donnait comme le champion des vétérans, et l'on entendit même résonner à travers le tumulte le singulier coup de cloche du vieux Buckhorse, déclarant qu'il portait un défi à n'importe quel boxeur ayant plus de quatre-vingts ans et pesant moins de sept stone.

Mais malgré ces éclaircies, il y avait de l'orage dans l'air. Le champion Harrison venait de me dire tout bas qu'il était absolument certain que nous n'arriverions jamais au bout de la soirée sans désagréments. Il m'avait conseillé, dans le cas où la chose prendrait une mauvaise tournure, de me réfugier sous la table, quand le maître de l'auberge entra d'un pas pressé et remit un billet à mon oncle.

Celui-ci le lut et le fit passer au Prince qui le lui rendit en relevant les sourcils et en faisant un geste de surprise.

Alors, mon oncle se leva, tenant le bout de papier et le sourire aux lèvres: -- Gentlemen, dit-il, il y a en bas un étranger qui attend et exprime le désir d'engager un combat décisif avec le meilleur boxeur qu'il y ait dans la salle.

XI -- LE COMBAT SOUS LE HALL AUX VOITURES

Cette annonce concise fut suivie d'un moment de surprise silencieuse puis d'un éclat de rire général.

On pouvait argumenter pour savoir quel était le champion pour chaque poids, mais il était absolument certain que les champions de tous les poids se trouvaient assis autour des tables. Un défi assez audacieux pour s'adresser à tous, sans exception, sans distinction de poids ou d'âge était de nature telle qu'on ne pouvait y voir qu'une farce, mais c'était une farce qui pouvait coûter cher au plaisant.

-- Est-ce pour tout de bon? demanda mon oncle.

-- Oui, sir Charles, répondit l'hôtelier. L'homme attend en bas.

-- C'est un chevreau, crièrent plusieurs boxeurs, quelque gamin qui nous fait poser.

-- Ne le croyez pas, répondit l'hôtelier. C'est un Corinthien à la dernière mode, à en juger par son habillement, et il parle sérieusement ou je ne me connais pas en hommes.

Mon oncle s'entretint quelques instants à voix basse avec le Prince de Galles.

-- Eh bien! gentlemen, dit-il ensuite, la nuit n'est pas très avancée et s'il y a dans la compagnie quelqu'un qui désire montrer son talent, vous ne pouvez trouver une meilleure occasion. -- Quel est son poids, Bill? demanda Jem Belcher.

-- Il a près de six pieds et je le classerai dans les treize stone quand il sera déshabillé.

-- Poids lourd. Qui est-ce qui le prend? s'écria Jackson.

Tout le monde en voulait, depuis les hommes de neuf stone jusqu'à Sam le Hollandais.

La salle retentissait de cris enroués, des propos de ceux qui se prétendaient qualifiés pour ce choix.

Une bataille, alors qu'ils étaient échauffés par le vin et mûrs pour en découdre, et surtout une bataille devant une société aussi choisie, devant le Prince lui-même, c'était une chance qui ne se présentait pas souvent à eux.

Seuls, Jackson, Belcher, Mendoza et quelques autres anciens et des plus fameux gardaient le silence, jugeant au-dessous de leur dignité d'accepter un engagement ainsi improvisé.

-- Eh bien! mais vous ne pouvez pas vous battre tous avec lui, remarqua Jackson, quand la confusion des langues se fut apaisée: C'est au président de choisir.

-- Votre Altesse Royale a peut-être un champion en vue, demanda mon oncle.

Jim Harrison, boxeur Page 41

Arthur Conan Doyle

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